Stendhal
Stendhal (Henri Beyle) 1783-1842
"Correspondance de 1812"
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Un des grands ecrivains francais du XIX siecle, Stendhal n a pas ete gate par la gloire durant sa vie. Cest apres la mort que son oeuvre est devenu celebre et apprecie par un grand public. La Russie avait tout de suite aime Stendhal : le roman "Le Rouge et le Noir" etait estime a sa juste valeur par Pouchkine et ses contemporains, Leon Tolstoi en a dit beaucoup de mots louangeux . Dans la Russie sovietique tous les romans de Stendhal ont ete traduits en russe.
En 1806, il obtient le poste d'intendant militaire dans la Grande Armee. Accompagnant les campagnes napoleoniennes, il voyage en Allemagne, en Autriche, puis a Moscou en 1812. En aout il est temoin de lincendie qui ravage la ville. En novembre il retraite de la Russie a Paris en partagant toutes difficultes de larmee francaise pendant cette retraite terrible. Il souffre toutes sortes de privations, de la faim et du froid. Stendhal a toujours garde le souvenir de la resistance heroique du peuple russe. En 1814 il a vu la prise de Paris par les Russes. Il relate tout ca dans ses lettres a sa soeur Pauline et aux autres personnes.
En voici quelques citations :

A Felix Faure, a Grenoble
Smolensk a quatre-vingts lieus de Moscou, 24 aout 1812

" Dans cet ocean de barbarie, pas un son qui reponde a mon ame ! Tout est grossier, sale puant au physique et au moral."

A Felix Faure, a Grenoble
Moscou, 4 octobre 1812

"Je me suis apercu ensuite que nous suivrons la Tverskoi ou rue de Tver. Nous sortimes de la ville, eclaree par le plus bel incendie du monde, qui formait une pyramide immense qui avait, comme les pierres des fideles, sa base sur la terre et son sommet au ciel. La lune paraissait au dessus de cette atmosphere de flamme et de fumee. Cest un spectacle imposant... ...Ce qui a gate pour moi la campagne de la Russie, cest de lavoir faite avec des gens qui auraient rapetisse le Colisee et la Mer de Naples. ... Concerve ce bavardage ; il faut au moins que je tire ce parti de ces plates souffrances, de men rappeller le comment."

A.M. le chevalier de Noue, auditeur au conseil detat, intendant de Kovno, a Kovno
Moscou, 15 octobre 1812

"La consommation de vache engagee que nous avons faite dOrcha ici est incroyable et, malheuresement, cet approvisionnement nest point epuise."

A la comtesse Pierre Daru
Smolensk, le 10 novembre [1812]

" ... Tout cela parce que jai un long titre "Directeur general des approvisionnements de reserves", lequel titre ne ma pas encore donne beaucoup doccupation... Nos peines physiques de Moscou ont ete diaboliques. Il ny a pas de fort de la halle qui soit aussi harasse a la fin de la journee que nous letions chaque soir en consrtuisant notre petite cabane de branches seches et allumant notre feu. Jen gele encore et vous vous en apercevez sans doute a mon griffonage. Vous ne reconnaitriez pas, ma chere cousine, a lexeption du marechal dont les voitures ont resiste par la bonte de ses domestiques et de 15 chevaux. Nous avons lair de nos laquais. Cest a la lettre, le premier dentre nous qui est arrive a Smolensk a ete pris pour un laquais insolent, parce quil savancait pour toucher la main au maitre de la maison. Nous sommes bien loin de lelegance parisienne."

A Felix Faure
Smolensk, le 7 novembre [1812]

" Parti de Moscou , pour ma mission, le 16 octobre, je suis arreve ici le 2 novembre, apres le voyage le plus interessant qui vaut seul detre venu en Russie. Deux belles attaques de Cosaques, la ferme croyance pendant une nuit detre tue aussi le lendemain, malheureusement pas le temps decrire."

A Felix Faure
Smolensk, le 9 novembre [1812]

Me revoila dans cette ville pittoresque et qui, sous rapport, me semble toujours unique. La neige augmente leffet des ravins garnis darbres au milieu desquels elle est batie. Il ne fait quun froid leger de deux ou trois degres, mais comme on est en Russie, chacun se croit gele. Nos idees sont tout a fait ramenees au physique : avoir ou navoir pas de bottes, une pelisse, cest une grande chose. Depuis vingt jours il ma ete impossible de tecrire. Il y a eu des moments ou jaurais bien voulu conserver le souvenir de ce que je voyais dans mon ame ou autour de moi, impossible decrire. Aujourdhui tout le sublime de mon ame est de nouveau neutralise par la societe forcee, je ne dirais pas de tel ou lel, mais des hommes. Prive dun bouclier, toutes les contrarietes tombant a plat sur mon ame, qui en devient plate, cetat dans lequel jai lhonneur detre apres couche avec deux bons enfants sur le plancher dun petit cabinet a cote dune chambre ou huit ou dix collegues dormaient de meme. Tout cela non gaietement, mais avec des gens qui ne couvrent que dun vernis transparent laigreur inspiree par le mal-etre."

A Felix Faure, a Grenoble
Mayence, [fin janvier 1813]

"Mon cher cousin, je tecris enfin ! Figure-toi que, physiquement, mes freres et moi sommes horribles dune salete repoussante, et a genoux devant des pommes de terre. Quand je supporte cela seul, le romantique me pousse et je suis interesse ; mais la presence de mes freres me coupe bras et jambes. En general, vie execrable et pire que ce que jai souffert en Espagne. Adieu, ecris-moi ; une lettre de la France menchante deux jours."


Ses reflexions et notes, toutes personnelles, sur l'Autriche, la Pologne, l'Allemagne et la Russie, et plus encore sur leurs habitants, ils les accumule dans ses "magasins" - cahiers relies en cuir vert - dont un certain nombre sont perdus durant son retour de Moscou a Paris en 1812 qui a pris trois mois et demi.
En 1826 Stendhal ecrit le premier roman "Armance". Il parle de la France de ses jours,du beau monde, de laristocratie faineante aux interets bornes . Lheroine du roman Armance est decrite comme une fille dune noble famille russe, droite, serieuse, au regard singulier et a la "beaute russe". Elle seule dans le salon ne semble pas empressee... Son pere a servi comme colonel a larmee russe et etait tue dans une bataille en 1814. Trois de ses proches ont participe dans linsurrection au mois de decembre de 1825 en Russie. Stendhal a fait son heroine a moitie Russe afin de rendre plus marquante son difference des Francaises des cercles aristocratiques et bourgeoises.
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